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Sahab Koanda, de toutes pièces

Dernière mise à jour : 24 sept. 2021


Sahab Koanda, L'Oeil de l'avenir


« Roi de la récupération », l’artiste burkinabé glane déchets et rebuts avec lesquels il compose d’étonnantes figures. Exposition à Château-Thierry, jusqu’au 9 octobre.


On pourrait dire : de bric et de broc. « Au hasard des trouvailles ; de façon disparate, hétéroclite », dit le dictionnaire, qui adjoint comme possibles synonymes : « de pièces et de morceaux », « bricolé » ou encore « n’importe comment ».

A première vue, le hasard des trouvailles est certes constitutif du modus operandi de Sahab Koanda.

A Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où il vit et travaille, il est volontiers qualifié de « roi de la récupération, ambassadeur des poubelles, empereur de la décharge ». Autant de titres honorifiques grandement justifiés par une pratique du glanage dont il est devenu expert (le « hasard des trouvailles » est donc tout relatif), et qui lui fournit la matière de sculptures-assemblages en effet hétéroclites, mais avec un sens de la forme qui ne saurait être apparenté au « n’importe comment ».

La rue a été son école des beaux-arts. Ayant dû arrêter l’école à 12 ans, Sahab Koanda a commencé à travailler très tôt, d’abord comme manœuvre dans des chantiers de construction, puis comme apprenti chauffeur, et enfin comme employé dans l’une des plus importantes entreprises de bâtiment au Burkina Faso, qu’il désertera au bout de quelques mois. C’est en participant ensuite à une troupe théâtrale de jeunes d’un quartier de Ouagadougou que s’éveillent ses qualités d’artiste ; là qu’il réalise ses premiers « tableaux » confectionnés avec de vieilles semelles de tapettes en plastiques, des morceaux de calebasses, des sacs de jute, des écuelles abandonnées, etc.

Déjà invité à quelques reprises en France (notamment en 2012 par les Ateliers Frappaz à Villeurbanne, parfois en tant que musicien avec son groupe Kokondo Zaz comme à Belfort en 2018), Sahab Koanda n’y a encore jamais été véritablement exposé. C’est désormais chose faite grâce à L’échangeur de Château-Thierry, dans le cadre du festival C’est comme ça !, qu’y organise le Centre de développement chorégraphique national. Cette année, le festival est "QG de la Saison Africa2020", et la rencontre avec Sahab Koanda s'est faite à Ouagadougou, grâce à Irène Tassembedo, marraine du festival (Lire ICI).


L’espace du Silo, qui occupe une partie des bâtiments de l’ancienne biscuiterie LU, accueille jusqu’au 9 octobre les expositions de trois artistes : le malgache Joël Andrianomearisoa, la photographe malienne Oumou Traoré, et donc, Sahab Koanda, qui réunit une trentaine d’œuvres, en partie réalisées sur place, sous le titre Masques et créatures. La magie des alliages (où dominent pièces métalliques et ficelles) donne aux compositions de Sahab Koanda un aspect onirique, curieusement renforcé par la nature brute des matériaux employés, détournés de leur usage premier, recyclés, au sens premier du terme, dans une nouvelle espérance de vie.

La plupart des pièces composées et exposées renvoient certes à la prégnante tradition des masques africains : on peut alors s’interroger sur la fonction rituelle que continueraient d’entretenir les figures créées de toutes pièces par Sahab Koanda. Il y a en tout cas quelque chose de jouissif à constater que ces « masques et créatures » viennent silencieusement nous parler d’un lointain passé, mythologique, d’avant la modernité (pour dire vite), tout en digérant les rebuts-déchets de cette même modernité. Et donc, nous parlent aussi d’aujourd’hui, de cette ère du jetable érigée en modèle de civilisation. Sans attribuer aux œuvres de Sahab Koanda un message écologique qu’elles ne manifestent pas directement, il n’en reste pas moins qu’elles posent en sourdine une double question essentielle au devenir politique de la planète : qu’est-ce que «l’archaïque» a encore de «contemporain», et jusqu’à quel point (de non-retour) le «contemporain» peut-il mettre à la décharge «l’archaïque» ? Assurément, il faut des alchimistes de la trempe de Sahab Koanda pour réconcilier ces pôles que l’on a tant voulu opposer. Dans l’exposition qu’il présente à Château-Thierry, une œuvre appelle tout particulièrement l’attention. Son titre : L’œil de l’avenir. A la fois abstraite et figurative. Une simple tête (de taureau ?) avec un œil démesuré. Cette figure (comme l’ensemble des masques de l’exposition, celle-ci tout particulièrement) nous dévisage. En d’autres termes, pour paraphraser le titre d’un ouvrage de Georges Didi-Huberman, ce que nous voyons nous regarde. Et arriver à un tel stade, c’est la marque d’un grand artiste, fût-il bidouilleur et « roi de la récupération ». Puisse l’exposition du festival C’est comme ça !, à Château-Thierry, conduire Sahab Koanda à être plus largement invité et exposé en France.


Jean-Marc Adolphe


Sahab Koanda, « Masques et créatures », exposition jusqu’au 9 octobre à Château-Thierry.


Le festival C’est comme ça ! se poursuit jusqu’au 9 octobre. Programme complet ICI.


Portfolio

Sahab Koanda, Naaba Koom (Le Chef de l'eau)


Sahab Koanda, Chèvre.


Sahab Koanda, La Paix.


Sahab Koanda, La vie tourne.


Sahab Koanda, Afro.


Sahab Koanda, Confiance.


Sahab Koanda, L'adolescent.


Sahab Koanda, Taureau.


Sahab Koanda, Le Dodo.


Sahab Koanda, Esprit.


Sahab Koanda, Danse contemporaine.

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