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Colombie : lâche attentat terroriste contre la dignité.


20 juillet à Cali, violente intervention des policiers anti-émeutes de l'ESMAD

contre un rassemblement pacifique dans le quartier de La Dignité.


Le président colombien Ivan Duque a été visiblement déçu que les marches et rassemblements de protestation qui ont marqué le 20 juillet, jour de l'Indépendance, se soient déroulées de façon pacifique et festive. En fin de journée, à Cali, dans le quartier de la Dignité, il a fait intervenir de façon extrêmement violente, sans aucun prétexte valable, les policiers anti-émeute de l'Esmad. Le journaliste Alberto Tejada, directeur de Canal 2, déjà menacé de mort, a été délibérément pris pour cible. Trois des personnes qui l'accompagnaient ont été blessés. En colère, il parle d'un "État criminel" et demande "la tête d'Ivan Duque".


« Quand j’entends le mot CULTURE, je sors mon revolver », aurait dit Goebbels, le propagandiste du régime nazi (la citation est apocryphe, la phrase est en fait due à l'écrivain nazi Hanns Johst ; c’est la réplique d'un personnage de l'une de ses pièces de théâtre intitulée Schlageter, en 1933).

Quand le président colombien Ivan Duque entend le mot DIGNITÉ, il fait tirer dans la foule.

Comme prévu, la journée d’hier en Colombie a été marquée par de nombreux rassemblements et manifestations dans tout le pays.

Mais contrairement à ce que le gouvernement avait annoncé, sur la foi de « renseignements » fabriqués de toutes pièces, il n’y a eu aucune infiltration de vandales-terroristes financés par la guérilla, le narcotrafic et le Venezuela.

Une petite fille tient un drapeau colombien inversé, symbole des protestations des trois derniers mois, le jour de l'indépendance de la Colombie, le 20 juillet 2021. Bogotá, Colombie. Photo Nathalia Angarita/ Reuters.


Tout au contraire, comme j’ai pu le suivre en direct, notamment avec des retransmissions de Contagio Radio et de Teusaradio, la journée s’est déroulée dans une ambiance pacifique, voire festive, avec de nombreux événements communautaires et culturels. Le maître mot de « resistencia » n’était certes pas oublié, de même que la mémoire des jeunes gens morts sous les balles de l’Esmad (police anti-émeutes) ou de civils armés protégés par la police.


Le lourd bilan de ces presque trois mois de Paro nacional avait été évoqué le matin dans l’enceinte du Congrès colombien, en ouverture de la nouvelle et ultime législature du Président Duque, par les députés de l’opposition, en brandissant le drapeau colombien inversé. Le rouge, symbole du sang versé pour la liberté et l’indépendance de la Colombie, s’est ainsi retrouvé en haut du drapeau national, au-dessus du bleu (qui représente les deux océans qui baignent le littoral du pays) et du jaune (qui représente l'or). Ces mêmes député.e.s portaient en outre un casque « en hommage aux dizaines de jeunes qui sont morts lors des manifestations de la Grève nationale et à tous ceux qui ont été blessés. Un acte symbolique porteur d'un message de dignité et de véritable indépendance », comme l’écrit sur Twitter María José Pizarro Rodríguez, artiste plasticienne élue à Bogota d’une liste citoyenne, la Lista de la Decencia.

Devant le Congrès exceptionnellement réuni à 8 h du matin, Ivan Duque a ouvert la nouvelle législature par un discours qui n’aura laissé, comme il était à prévoir, aucune place aux exigences de justice sociale et de démocratie formulées depuis le 28 avril par le Paro nacional. Alors que de nouvelles informations font planer un doute sur son éventuelle implication dans l’assassinat du président haïtien (une vidéo est venue confirmer la relation étroite qu’il entretenait avec l’entreprise américaine basée à Miami qui a recruté les mercenaires colombiens envoyés à Haïti, alors qu’il démentait voici quelques jours encore connaître son patron), Ivan Duque a en revanche repris son antienne habituelle sur le vandalisme et le terrorisme, invitant « à rejeter la voie du mensonge et de la calomnie frivole ; de dire non aux promoteurs de la haine, d’éviter le chemin de la facilité pour obtenir des plaisirs momentanés qui laissent des cicatrices éternelles. » Quasiment sans un mot sur la pandémie du Covid, qui frappe durement la Colombie, il a ajouté : « Nous vaccinons contre la haine et le découragement ». Mais au fait, qui sème la haine et décourage la jeunesse aujourd’hui en Colombie ?

Le président colombien a un tel respect de la démocratie qu’il a quitté l’enceinte du Congrès sitôt son discours terminé, sans se donner la peine d’écouter le discours de l’opposition, comme le veut la tradition parlementaire colombienne.


Le drapeau inversé brandi par les parlementaires d’opposition est apparu à de multiples reprises dans les rassemblements et défilés qui ont empli les rues du pays, de Medellin à Ibagué, de Manizales à Neiva, de Barranquilla à Popayán, de Bucaramanga à Carthagène. 65.000 policiers et militaires avaient été déployés dans tout le pays… Pourtant, déjouant les annonces de terreur proférées les jours précédents par le gouvernement, le peuple colombien a fait preuve d’une souveraine maîtrise et responsabilité. Un sens de la dignité, dira-t-on, face à un pouvoir d’un cynisme absolu.

20 juillet. Manifestation à Medellin.


Parmi les rares incidents à « déplorer » : quelques affrontements à Medellin et Barranquilla, ainsi qu’à Manizales, où des manifestants ont fait chuter de son piédestal la statue de Francisco de Paula Santander (qui fut pourtant l’un des héros de la lutte pour l’indépendance).

Mais c’est à Cali, « capitale de la résistance » depuis le 28 avril, que la situation a à nouveau dégénéré hier.

Alors que de nombreux rassemblements se déroulaient dans le calme, et dans une ambiance festive, la police a commencé à faire usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes en milieu d’après-midi à Puerto Rellena, là où a été édifié le « monument à la Résistante », sans que les vidéos consultables sur internet (notamment sur le site d’El Pais à Cali) ne montrent de raison impérieuse à une telle intervention. Selon le même El País, d’obédience pro-gouvernementale, “cinq individus cinq individus ont tenté de bloquer le secteur, ce qui a justifié l'action des autorités. » Oui, vous avez bien lu : 5 personnes qui, à elles seules, auraient été en capacité de bloquer tout un quartier !!! El Pais ajoute que l’Esmad est intervenue au nom des droits de l’homme (sous-entendu pour protéger le droit à la mobilité). On se pince pour y croire.



Cali. Brutale intervention des policiers anti-émeutes de l'Esmad contre un rassemblement communautaire, pacifique, familial et joyeux qui avait débuté dans l'après-midi dans le quartier de la Dignité.


Un peu plus tard dans la soirée, la police a pris prétexte (fallacieux, il va sans dire) de vagues « menaces d’actes de vandalisme », prétendant avoir « identifié un groupe d’individus qui avait le projet d’incendier plusieurs bâtiments », pour engager une action d’une extrême violence contre un rassemblement pacifique qui se tenait dans le quartier de la Colline de la Dignité (Loma de la Dignidad). Tout un symbole : c’est dans ce quartier, précédemment baptisé Colline de la Croix (Loma de la Cruz) qu’a été repris un poste de surveillance policière transformé en centre culturel communautaire et bibliothèque de quartier, la Biblioteca de la Dignidad (Lire le reportage de Diana Mar pour les humanités).

Depuis le début d’après-midi, comme on peut le voir sur la photo ci-contre, la Loma de la Cruz était joyeuse, colorée, tranquille. Mais voici quelques jours, la police avait déjà tenté de déloger le contre culturel communautaire. Les gens du secteur s’étaient aussitôt rassemblés et avaient fait bloc pour empêcher l’expulsion. C’est donc là que l’Esmad a choisi d’intervenir en début de soirée, tirant à nouveau à balles réelles et faisant à nouveau usage du Venon, une arme de guerre utilisée par la police colombienne dans des opérations dites de « nettoyage social ».

Le bilan de la nuit est encore incertain : y a-t-il eu des morts, combien de blessés ?

Le témoignage d’Alberto Tejada, journaliste et directeur du média indépendant Canal 2 à Cali (et par ailleurs menacé de mort voici quelques jours), enregistré à 23 h (en Colombie) est édifiant. Lui qui est habituellement d’un calme olympien, il faut l’entendre, visiblement choqué, parler d’ « une journée criminelle de la part de l’État colombien », évoquer l’attaque dont il a été témoin, et dont une partie de son équipe de sécurité citoyenne fut victime (trois blessés parmi les cinq personnes qui l’accompagnaient), contre une « fête de paix, de joie, de réconciliation, d’optimisme ». Il dénonce la présence de civils armés parmi les rangs de la police, tirant dans la foule assemblée avec intention de tuer. Il parle d’au moins un jeune homme touché en plein visage par un tir de l’Esmad.

Il faut entendre la colère d’Alberto Tejada, qui avait jusqu’à présent fait part d’une certaine neutralité dans la couverture du Paro nacional, se déclarer à partir de maintenant faire partie de l’opposition, demander la tête du président Ivan Duque et réclamer des élections anticipées.

Il lance en outre un appel à l’opinion internationale pour faire pression sur leurs gouvernements (la France en fait grandement partie) afin qu’ils cessent de vendre des armes au gouvernement colombien.

Voici peu, Alberto Tejada a été l’objet de sérieuses menaces de mort (en Colombie pas besoin de logiciel Pegasus pour intimider les journalistes, les escadrons de la mort s’en chargent très bien). J’ai tenté d’alerter Reporters sans frontières, plusieurs médias en France. En vain.

A la fin de son intervention, Alberto Tejada dit : « Je suis prêt à mettre ma vie en jeu. Qu’ils viennent me chercher. Ce n’est pas une fanfaronnade. Ce que je dis aujourd’hui résulte d’une conviction profonde, celle de mon devoir patriotique, mon devoir de citoyen, mon devoir de journaliste, mon devoir de père de famille, et mon devoir vis-à-vis de ma propre dignité d’être humain ».


VIDEO : Intervention enregistrée d’Alberto Tejada, sur la page Facebook de Canal 2


Le mot de « dignité » est visiblement étranger au vocabulaire d’Ivan Duque.

Que dirait-on si le lâche attentat perpétré hier à Cali contre un quartier, une bibliothèque et en centre culturel commentaire qui osent porter ce nom de « dignité » avait été le fait d’Al-Qaida, ou dans le cas de la Colombie, de quelque guérilla des FARC ? Bien évidemment, toute la presse internationale dénoncerait fissa un attentat « terroriste ».

Tel fut pourtant le cas, et un terrorisme, fut-il d’État, reste un terrorisme.

Ivan Duque, lui-même issu de la sphère narco-criminelle qui entoure l’ex-président Alvaro Uribe, est le chef d’une organisation terroriste nommée gouvernement, qui assassine et viole chaque jour les droits de l’homme.

En continuant de soutenir, politiquement et militairement ce gouvernement (par des ventes d’armes aujourd’hui utilisées contre la population civile, la France d’Emmanuel Macron soutient une organisation terroriste. Ça va mieux en le disant, plutôt que de prétendre lutter contre le narcotrafic et le réchauffement climatique, dont on a vu (articles précédents sur les humanités) que ce sont d’aimables paravents.


Jean-Marc Adolphe, 21 juillet 2021.

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