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Abyssal. Et après ?


Die, 21 juin 2021. Lendemain d'élections (régionales et départementales). Rien que des bonnes nouvelles. A l'issue du premier tour, le rassemblement nationaliste, qui rêvait de percer le plafond de verre, se retrouve quasiment à la cave. Et la République en marche-ou-crève, tout occupée à faire la courte échelle au dit Rassemblement nationaliste (quoiqu'en disent ses ténors bas-de-gamme), dans l'espoir de rejouer le match de 2017, ne parvient même pas à faire de la figuration.

Mais tout cela a-t-il encore un sens ? Le parti de l'abstention a largement remporté l'élection. Avec près de 70% des non-voix, cette abstention fut "abyssale", selon le mot de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, dont il n'est guère utile de souligner que la "parole" ne "porte" pas grand chose d'autre qu'une médiocrité politique et intellectuelle, elle-même abyssale.

Ces presque 70% d'abstention-record signeraient-ils pour autant la fin de la démocratie ? En un sens, oui. La démocratie confisquée par les jeux et guéguerres politicien.ne.s, l'empire-emprise des partis mourants, la toute-puissance des élites et des experts mutuellement asservis les uns aux autres, dans l'oubli du "peuple" et de ses territoires, sont à l'agonie.

Il y a crise de la représentation, ce n'est pas vraiment nouveau. C'est un processus de décomposition, combien de temps faudra-t-il encore pour qu'il parvienne à terme ?

Mais le vivant est ainsi fait que la décomposition forme aussi l'humus de nouvelles compositions.

Ce n'est pas la démocratie en tant que telle qui est arrivée à bout de souffle, mais un certain usage perverti / confisqué de l'exercice démocratique.

Du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, combinaison de δῆμος / dêmos, « territoire » (de daiesthai, « partager ») puis « peuple » (en tant qu'ensemble de tous les citoyens de la cité), et kratein (« commander »), le terme "démocratie" désigne à l'origine un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques au moins par le vote. Les citoyen.ne.s n'ont pas renoncé à participer à la vie de ce qui les regarde, individuellement et collectivement. Ils et elles ont simplement compris que le vote, au fond, ne change rien. Ou si peu. Alors, dés-affection.

Ce n'est pas "démocratie, je ne t'aime plus". Pour te préférer quoi : dictature ? On y est déjà, une sorte de dictature soft, où algorithmes et intelligence artificielle, secondés par de zélés serviteurs, ont pris la direction de nos vies, quand bien même cette conduite nous mène, localement et planétairement, dans le mur. Dans le mur on y est déjà. Alors, quoi d'autre ?


Hier, les oiseaux n'ont pas voté.

Les oiseaux ont d'autres horizons.

Comme le dit ce slogan-poème découvert sur un mur de Die, "Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce".

Et tous les oiseaux ne sont pas de malheur.

La tempête qui s'annonce : il faudra bien quelque violente bourrasque pour finir d'achever quelques édifices vermoulus qui font mine de sous-tenir encore la res publica.

A un an d'une élection présidentielle où tout semblait quasiment joué à l'avance, ces presque 70% d'abstention départementale et régionale viennent signifier que le cancer qui ronge depuis si longtemps l'esprit même de la démocratie, est entré en phase terminale.

Il va falloir retrousser les manches, retrouver les fondamentaux et les conjuguer aux temps neufs du 21ème siècle.


La démocratie, une idée neuve ? Le 22 février 2017, j'avais versé une modeste contribution (publiée sur mon blog Mediapart. Lire ICI ) à l'élection présidentielle qui se préparait. Cette contribution fut alors motivée par l'annonce, faite par Benoit Hamon, d'un "conseil citoyen". Judicieuse idée, dont Hamon, cependant, ne fit quasiment rien : il consacra plutôt son temps et son énergie à rallier Yannick Jadot et les écologistes. Avec le résultat que l'on sait.

J'y écrivais notamment : "Faisons à nouveau de la démocratie une idée neuve, qui puisse faire du XXIe siècle ce futur désirable. La démocratie représentative est aujourd’hui largement étouffée par des contraintes administratives, techniques, qu’il conviendra d’alléger. Les partis politiques fonctionnent trop souvent en vase clos, et oublient de se laisser irriguer par les utopies et les initiatives de la société civile. Aller au-delà de ce constat, pour engager une nouvelle ère de l’incessant chantier démocratique, c’est donner beaucoup plus de place, dans toutes les composantes de la décision publique et de la vie commune, aux formes de démocratie participative et citoyenne qui ont émergé partout sur la planète ces dernières années."

Quatre ans plus tard, il me semble que ce constat n'a pas pris trop de rides.

Certes, cela est déjà à l’œuvre, mais quelles forces vives, alter-actives, sauront se relier et s'assembler pour qu'en 2022, advienne un printemps inouï ?

Les communautés indigènes qui, en ce moment-même, soudent la révolution colombienne, en renfort d'une jeunesse en première ligne qui, chaque soir depuis plus d'un mois, affronte la violente escouade de la police anti-émeutes; mais aussi la délégation zapatiste venue du Chipas mexicain, qui accoste dans quelques jours en Europe (voir ici le reportage dessiné de Lisa Lugrin), nous aideront peut-être à y voir plus clair.


Jean-Marc Adolphe, 21 juin 2021, jour de solstice.







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